Dans le cadre du petit-déjeuner coorganisé le 6 février 2025 par Assurance for Good et Castom (cabinets d’expertise en durabilité accompagnant les acteurs du secteur de l’assurance), Hélène DORE (Responsable de projets RSE chez Crédit Agricole Assurances) est venue témoigner sur les travaux de mise en conformité de Crédit Agricole Assurances avec les exigences de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).
Quelle est votre fonction chez Crédit Agricole Assurances ?
Depuis 3 ans, je travaille à la Direction RSE du groupe Crédit Agricole Assurances. Mon périmètre de responsabilités couvre la finance durable, la gouvernance sociétale et le reporting extra-financier. A ce titre je contribue de manière importante au projet visant à mettre en place le reporting CSRD du Groupe Crédit Agricole Assurances.
Comment avez-vous abordé la CSRD chez Crédit Agricole Assurances ?
Quelques éléments de contexte sur le projet CSRD pour commencer : le groupe Crédit Agricole Assurances n’a jamais été assujetti à la déclaration de performance extra-financière (DPEF). Sa publication était volontaire et non normée. Il s’agissait davantage d’une manière de communiquer sur les actions engagées en matière de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Désormais, nous sommes assujettis à la CSRD et nous l’avons été dès la première année. En tant que filiale du groupe Crédit Agricole, nous publions le rapport en propre, mais nous contribuons également à celui de notre maison mère.
Au niveau de Crédit Agricole Assurances, le projet CSRD a démarré en septembre 2023 pour une première publication en avril 2025, sous la responsabilité du département Finance avec une équipe dédiée au pilotage du projet. Notre organisation était structurée en « cascade » : des personnes « leads » et des contributeurs ont été mobilisés pour alimenter les normes thématiques et nous avons procédé en deux temps :
- une première phase de préparation, avec la prise de connaissance des attendus de la directive et la réalisation d’une analyse de matérialité ;
- puis, une phase de rédaction d’un premier rapport en mode « dry run » sur l’exercice 2023. Nous avons tiré des enseignements de ce premier exercice pour la phase de réécriture du rapport sur 2024 que l’on est en train de finaliser.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de la conduite de vos travaux ?
Globalement, nous avons identifié un gros besoin de coordination et de prise en compte des spécificités du secteur de l’assurance, notamment pour l’identification des impacts, risques et opportunités (IRO). Ces derniers ont, dans un premier temps, été définis par la maison mère. Nous avons dû nous assurer que nous comprenions correctement les libellés, qu’ils nous étaient bien applicables et définir les IRO spécifiques à l’assurance.
Enfin, nous avons rencontré des incertitudes au niveau de l’interprétation des textes. Par exemple, le fait qu’il n’y ait pas de norme sectorielle pour le moment a généré des interrogations sur la manière dont le texte devait s’appliquer pour le secteur de l’assurance. Il a fallu faire des choix et prendre des options méthodologiques.
Quelle approche avez-vous adoptée pour intégrer les attendus réglementaires ?
La compréhension des attendus règlementaires est un point important. Le texte est volumineux et loin d’être limpide. Il a donc fallu passer du temps sur la lecture et l’analyse du texte. Il était difficile d’entrer d’emblée dans les European Sustainability Reporting Standards (ESRS). Nous avons donc, dans un premier temps, parcouru les guidances publiées par l’EFRAG et les cabinets de conseil afin nous familiariser avec l’esprit de la directive, avant de plonger dans les ESRS et comprendre, thématique par thématique, ce qui est vraiment attendu.
Il me semble important que les différents contributeurs internes à l’entreprise puissent s’approprier les textes et aient la capacité de s’y référer pour retrouver ce qui leur est demandé. Passer du temps au début permet d’en gagner par la suite. La montée en compétence des collaborateurs est essentielle : tout le monde ne sait pas lire un texte réglementaire ou rédiger un verbatim qui saura répondre aux exigences.
Comment le volet « gouvernance » a-t-il été abordé ?
Nous avons très tôt sensibilisé le COMEXau rapport de durabilité. Ils sont progressivement montés en compétences et en compréhension des enjeux pour Crédit Agricole Assurances. De mon point de vue, il ne faut pas hésiter à remettre ces sujets à l’ordre du jour et user de pédagogie pour faciliter leur appropriation.
La gouvernance est centrale car elle va fixer la vision stratégique relative au rapport CSRD : orientation, travaux à lancer, définition des rôles et responsabilités des équipes, validation de la matrice de double matérialité, etc.
Avez-vous quelques conseils sur la rédaction du rapport CSRD ?
Oui, quelques petits « tips » pour se lancer :
- Éviter les silos. Différents contributeurs vont intervenir pour fournir des données. Il ne faut pas perdre de vue que l’on souhaite publier un rapport cohérent.
- Donner des consignes de rédaction pour donner un même cadre à l’ensemble des contributeurs et obtenir un même niveau de finesse :
- être précis et synthétique,
- éviter les qualificatifs subjectifs,
- rester factuel.
- Limiter le nombre de pages autorisées sur les différents sujets afin que le rapport final ne dépasse pas les 100 pages.
Ces deux derniers points peuvent donner l’impression de rajouter des normes aux normes, ce qui peut paraître cocasse dans la mesure où les normes réglementaires sont déjà très denses, mais c’est ce qui a permis d’obtenir un rendu homogène avec un même niveau de granularité pour les différents contributeurs.
J’aborderais enfin un dernier point : il y a un enjeu à répondre data point (point de données) par data point pour permettre la lecture du rapport par une machine, tout en s’assurant que le rapport soit digeste et compréhensible par des humains.
Pour répondre à ce dilemme, nous avons choisi de formaliser un premier draft répondant data point par data point, dans lequel nous avons répondu mécaniquement à chaque exigence listée, puis d’opérer une seconde phase de rédaction, beaucoup plus articulée afin de permettre la lecture et son appropriation par le public.

Interview réalisée par Valérie Loizillon
Cofondatrice Assurance for good.
vloizillon@assuranceforgood.fr